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Pratiques scolaires et langues dès le début de la scolarité

Présentation générale

Aucune étude ne décrit pour l’instant de façon satisfaisante les dispositifs et les pratiques scolaires favorables au développement du langage et des langues vivantes de l’école maternelle du point de vue de l’enfant, de sa biographie langagière et de l’incidence des pratiques données à voir ou dites sur sur l’accessibilité de l’école à tous les enfants. Diverses études portent toutefois sur l’enseignement primaire. Il s’avère dans la plupart des cas que l’école prend peu en compte la réalité plurilingue des individus dans leur biographie et leur répertoire, en se cantonnant le plus souvent à des pratiques unilingues.

De même, la formation initiale et continue achoppe sur le terrain du plurilinguisme en France, du fait de l’aspect éminemment fluide et peu circonscris de la notion elle-même. Les représentations qui y sont liées chez les enseignants et les familles sont très prégnantes.

Pour comprendre la notion de « plurilinguisme en herbe » (c’est-à-dire chez les très jeunes enfants), il est nécessaire de mobiliser des sciences et domaines connexes (psychologie cognitive, analyse du discours, sociolinguistique, etc.). Est considéré comme « plurilingue en herbe tout enfant » qui a des contacts de langues et de cultures, qu’il maîtrise ou non ces langues-cultures à un degré ou à un autre. Il entre en relation avec des langues-cultures dans son environnement et n’a pas le français comme langue de la maison. Ainsi ce sont  le contact et la relation aux langues-cultures qui font de lui un plurilingue en herbe. À charge pour son environnement de développer les compétences adossées à ce répertoire.

Le projet Kidi +

L’approche du projet de recherche Kidi + est didactique et entend contribuer à la description des situations scolaires mettant en œuvre des langues à des niveaux divers dan les classes de maternelle.

Nous avons récemment menés des travaux sur des questions de communication et de langage en maternelle, afin d’explorer le quotidien communicatif d’enfants dont le  français n’est pas la langue de la maison pour savoir s’ils rencontrent un environnement plus ou moins favorable à l’apprentissage de la langue de l’école et dans quelles conditions ils vivent leur apprentissage de la lange de scolarité. Il ressort de ces travaux et d’autres que les langues interagissent entre elles et qu’une situation plus complexe est à l’œuvre dans les intentions institutionnelles, et ce dès la maternelle.

Nous explorons ces situations adossées à des dispositifs dont les valeurs sous-jacentes sont souvent occultées par une idéologie et des stéréotypes que la formation a intérêt à débusquer.  Notre travail descriptif vise à déboucher sur une proposition de module de formation au plurilinguisme en maternelle.

Méthodologie : Étude de dispositifs de mise place des langues en maternelle avec captations numériques ethno-méthodologiques

Les enfants « ciblés » sont des enfants dont le français n’est pas la langue de la maison. Nos travaux antérieurs (Behra et al. 2016) montrent que ces enfants, tout en apprenant la langue de l’école, ne sont pas stimulés « comme les autres ».

À partir d’observations ethnographiques de pratiques scolaires d’enfants de 3-6 ans, d’entretiens avec les acteurs et en appui à une étude quantitative des représentations des enseignants, nous avons montré que l’école a tendance à figer le français de scolarité dans une norme (vision essentialiste du français), qui se trouve renforcée dans le cas des enfants plurilingues, alors que toute langue est variation. Par ailleurs, les activités proposées et observées lors de captations numériques ne favorisent que fort peu l’accès à la communication pour les enfants dont le français n’est pas la langue de la maison. La place de celles-ci est le plus souvent restreinte voire inexistante en situation institutionnelle. L’école maternelle offre ainsi un environnement unilingue aux enfants dont le français n’est pas la langue parlée à la maison, et ce en dépit de l’affichage d’un intérêt pour la diversité. Les données recueillies dans notre étude mettent en évidence divers paramètres qui pourraient favoriser des pratiques plus inclusives pour de jeunes enfants dont le français n’est pas la langue de la maison, à condition d’opter pour le paradigme d’inclusion au détriment de celui d’intégration (Macaire, 2015).

Questions de recherche

Quels dispositifs sont à l’œuvre en matière de langues en maternelle ?

Quel est le discours de l’institution sur les langues ?

À quelles pratiques professionnelles recourt l’enseignant pour aborder les langues/ le langage ?

Comment s’exprime la biographie langagière des enfants è l’école ?

Quelles sont les théories de référence à l’œuvre ? Quelles représentations opèrent fluidité ou rupture dans l’action enseignante ?

Quelles propositions peuvent être faites pour une formation davantage inclusive, compréhensive et complexe  qui permettent ensuite l’accessibilité de tous à l’école?

Caractère original de ce projet

Ce projet s’inscrit dans une histoire de nos recherches sur les enfants en maternelle, lorsque leur langue de la maison n’est pas celle de l’école. Des travaux précédents (Carol et al. 2016) ont décrit la communication dans la classe de maternelle et mis en évidence quelques facteurs favorables à l’inclusion comme les espaces-temps de l’apprendre, les relations à l’interculturalité, le lien avec les familles pour ne nommer que ceux-là. Notre ambition est de mettre en évidence quelques indicateurs de réussite de l’inclusion scolaire dans le cadre des usages des langues.

La réussite de tous et l’accessibilité de l’école en ligne de mire

Notre approche se situe dans un paradigme inclusif (UNESCO 2003), non encore courant dans les pratiques scolaires et souvent relié à la notion d’échec, de décrochage scolaire, alors que dans nos travaux (Carol, Behra & Macaire, 2016) il est, au contraire, contributif de ce que nous nommons « l’accrochage scolaire ».

Ce projet interroge au niveau épistémologique autant que scientifique les notions actuellement en vogue autour des langues et du langage à l’école en les situant dans des enjeux précoces dès la maternelle.

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