Projets

 1- ANR intitulé RAUDIN (Recherches Aquitaines sur les usages pour le développement des Dispositifs Numériques, 2010-2012)

Mon intervention s’est inscrite dans l’Axe 1 du projet intitulé Action et interaction. Il s’agissait de mener une analyse approfondie de « l’accès à l’information par des services numériques : Discours et pratiques des utilisateurs en milieu contraint ». Cette recherche a été réalisée grâce à une collaboration scientifique de deux laboratoires de recherche : le laboratoire Telem (EA 4195) de l’Université Bordeaux 3 (Bordeaux Montaigne actuellement) et le laboratoire Praxiling (Université Montpellier 3-CNRS 5267) de l’Université Montpellier 3. L’équipe de recherche (Maria Caterina Manes-Gallo, Bruno Bonu et Hani Qotb) avait pour objectif d’étudier les usages d’utilisateurs (détenus, formateurs, etc.) d’un dispositif de formation numérique (Cyberbase-Justice) mis en place par l’administration pénitentiaire. Nous avons focalisé l’attention sur la médiation et la médiatisation du dispositif informatique par rapport à l’accès à l’information et à l’apprentissage (recherche d’emploi, bureautique, alphabétisation). Il s’agit d’approfondir ce que signifie pour l’humain une communication « interactive » avec un dispositif avec lequel il ne peut pas négocier ses objectifs mais qui réagit à des commandes. Cette perspective nous amène à articuler notre analyse sur les questions suivantes : Quelles sont les difficultés des utilisateurs par rapport à la gestion des résultats des actions sur le dispositif ? Quels sont les écarts entre leurs attentes et les performances des dispositifs existants ? Quels sont la fonction et l’apport du dispositif par rapport aux objectifs des apprenants et des formateurs qui animent les différents ateliers ? « L’action de recherche développée au sein de cet axe est une étude de cas effectuée dans le cadre de l’expérimentation Cyber-base®Justice, ouverte en mars 2009 au centre pénitentiaire de  Gradignan. L’objet de cette étude concerne la médiation et la médiatisation du dispositif informatique par rapport à l’accès à l’information et à l’apprentissage. » (Manes Gallo, Bonu et Qotb, 2012 : 6).

 

Dans ce contexte, nous avons mis en lumière les échanges communicationnels entre un humain et un dispositif numérique dans un milieu contraint tout en essayant de comprendre le processus de rencontre entre les représentations anticipées du concepteur et les ressources interprétatives mobilisées par l’utilisateur (Jeanneret, 2008). Deux méthodes de recueil de données ont été utilisées lors de notre étude de terrain : des enregistrements audio-visuels des activités des apprenants et des entretiens semi-directifs avec les différents acteurs (détenus, formateurs, surveillants, etc.). En collaboration avec les membres de l’équipe de recherche, mes missions consistaient à préparer le cadre théorique du projet (économie du numérique, fracture numérique, etc.), à étudier les spécificités de la population carcérale, à analyser les caractéristiques socio-pédagogiques de notre échantillon, à indexer le corpus audiovisuel et sonore et à analyser les usages du dispositif numérique et les interactions entre les différents acteurs (formateurs, apprenants et surveillants). L’analyse de ces données a permis de souligner la présence de quatre profils d’utilisateurs : profil bureautique (initiation à l’ordinateur, explication, rédaction et correction de CV, etc.), profil Internet Accompagné (rédaction de livret professionnel et recherche d’offres d’emploi), profil exercices en ligne (activités interactives de français sur Internet) et profil Internet (recherche d’informations, renouvellement des pièces d’identité, etc.). Ces profils ont été organisés en quatre catégories d’interactions : Interactions Enseignant/Apprenants (comme groupe), Interactions Apprenant/Ordinateur, Interactions Enseignant/Enseignant et Interactions Enseignant/Apprenant (accompagnement individuel). L’étude de ces interactions a contribué également à comprendre l’organisation logistique et spatiale de l’espace de formation qui est considéré comme un élément pertinent permettant de structurer « les dynamiques pédagogiques entre les formateurs, la responsable de la cyber base et les apprenants. Par exemple, comment l’organisation spatiale induit une double focalisation de l’attention du détenu à la fois sur son dispositif et sur un espace partagé (projection d’écran ou discours du formateur adressé au groupe) » (Manes Gallo, Bonu et Qotb, 2012 : 72). De même, l’analyse de données a souligné aussi que les dynamiques interactionnelles étaient orientées soit vers l’action (ex : envoyer un mail) soit un savoir (ex : législation sur le contrat de travail). Quant aux modalités de mobilisation des ressources, elles doivent prendre en compte les contraintes sécuritaires du dispositif de formation comme par exemple la traçabilité numérique des activités de l’enseignant et de l’apprenant. Au terme de cette recherche, nous avons formulé certaines préconisations à l’attention des différents acteurs responsables de la Cyber base Justice (Ministère de l’Éducation, Ministère de la Justice, Administration pénitentiaire et la Caisse des Dépôts) dans le but d’améliorer les usages de ce dispositif numérique en milieu carcéral : développer la coordination entre les différents services du centre pénitencier afin d’assurer un suivi dans l’enseignement et une continuité dans l’apprentissage, lever certaines contraintes dans l’accès aux fonctionnalités du dispositif numérique, notamment dans le cas de la recherche d’information ; contraintes qui empêchent l’acquisition de nouvelles compétences et enfin prendre en compte le type de savoir transmis dans les différents ateliers en vue d’une exploitation des ressources numériques qui soit plus adaptée aux besoins du public visé.

2- Projet DESA « Démarches et stratégies d’aides à l’enseignement numérique »

Ce projet de recherche était soutenu par l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS et porté par Chrysta Pélissier (MCF, Montpellier 2). Il avait pour but d’élaborer un modèle de caractérisation des aides, d’envisager de nouvelles aides innovantes d’un point de vue communicationnel et technologique et de proposer des dispositifs de formation aux enseignants autour de la notion « d’aide ». D’un point de vue étymologique, aide vient du latin ad-juvo : seconder, aider quelqu’un; favoriser quelque chose. Selon Le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi), le terme aide peut être employé pour désigner soit une action d’ « aider quelqu’un, concours que l’on prête, soutien moral ou secours matériel que l’on apporte une action », soit une personne qui « assiste, seconde ou supplée quelqu’un dans un travail, une fonction, et qui lui est le plus souvent subordonnée ». Dans le cadre de l’apprentissage, l’aide peut être défini comme « un processus de prise de décisions réalisé par un acteur, concepteur de l’aide, donnant lieu à résultat. La notion de processus s’oppose ici à stratégie. En effet, la stratégie se caractérise par un côté conscient (Cohen, 1998), alors que le processus correspond plutôt à une démarche non explicitée (à ce jour) par les acteurs.». (Pélissier, 2014 : 42). La notion d’aide est souvent associée au concept d’étayage de Bruner (1996) qui met en lumière l’intervention de l’adulte dans l’apprentissage de l’enfant en psychologie développemental. Wood, Bruner et Ross (1976) distinguent notamment six fonctions d’étayage remplies par un adulte quand il aide un enfant (un apprenant-débutant) à réaliser une tâche ou à résoudre un problème (enrôlement, réduction des degrés de liberté, maintien de l’orientation, signalisation des caractéristiques dominantes, contrôle de la frustration, démonstration/ou présentation de modèle de solution).

Les dispositifs numériques sont généralement conçus sur l’idée selon laquelle les utilisateurs sont « autorégulés » (Puustinen, 2010) dans la mesure où ces derniers sont censés gérer leur apprentissage de manière autonome. Mais on constate parfois un écart entre les besoins de l’utilisateur et les prévisions du concepteur (Leplat, 1998), d’autant plus qu’il est difficile d’anticiper de manière très précise les compétences des utilisateurs cibles. Dans le cadre de ce projet, nous avons analysé des stratégies aux niveaux d’enseignement, de conception et de tutorat adoptées dans plusieurs formations en ligne à partir des traces d’interactions laissées par les enseignants et les apprenants sur deux plateformes d’enseignement à distance (Virtual Campus VCIel[1] et Moodle[2]) ainsi que plusieurs entretiens réalisés avec les concepteurs de ces aides. Ce projet de recherche a permis d’élaborer le modèle conceptuel ISA qui permet de « souligner les raisons (Intentions), la démarche de communication (Stratégie) et les attentes (Attendus) du concepteur d’aide.» (Pélissier & Qotb, 2010 : 2). Par exemple, l’aide se distingue par plusieurs intentions : le pilotage (compréhension de la tâche, de la forme attendue du résultat, etc.), le tissage (mémorisation des connaissances mises en jeu dans les différentes situations pédagogiques) et la modulation (élaboration des bases de données, de veille technologique, d’aides liées aux pratiques professionnelles, etc.).

[1] Campus VCIel à l’Université de Lyon II, http://spiral.univ-lyon1.fr/VCIEL/00-perso/site/index.html

[2] Plateforme Moodle de l’ITIC (Institut des Technosciences de l’Information et de la Communication) de l’Université de Montpellier III, http://moodle.univ-montp3.fr