Résumé
En accord avec ma formation initiale en linguistique française, j’ai commencé ma carrière par des recherches consacrées au français et au galloroman (langue d’oïl, langue d’oc et francoprovençal). L’approche retenue était toutefois marquée dès le début par le cadre des langues romanes, utilisées comme une toile de fond devant laquelle se dessinent les phénomènes galloromans ; à ce titre, elle complète les deux tendances encore aujourd’hui majoritaires en linguistique du français, celle des francisants purs et celle des linguistes généraux théorisant sur base française.
En plus des langues galloromanes, mes travaux ont porté plus spécialement sur le sarde, l’asturien, le catalan, et en particulier sur le roumain, auquel j’ai tenté de transférer les principes méthodologiques qui ont cours en linguistique historique française. Mais j’ai toujours volontiers élargi la perspective pour m’intéresser aux langues romanes dans leur ensemble, orientation qui va à contre-courant du mouvement international actuel, caractérisé par un compartimentage des recherches par langues. Il semble pourtant évident que les études romanes ont un devoir à accomplir envers la linguistique générale : à savoir de faire fructifier la position particulièrement avantageuse dont elles jouissent – la langue mère est largement attestée et décrite dans toute sa variation, on dispose d’une tradition écrite de plus de mille ans – pour montrer la voie, afin que, du point de vue méthodologique, les spécialistes d’autres familles linguistiques puissent profiter des résultats de nos travaux. Depuis environ 2000, mes travaux de recherche portent ainsi principalement sur les langues romanes dans leur ensemble.
Si ma direction de recherche originelle est constituée par l’étymologie et la lexicologie historique, j’ai été amenée à consacrer une partie importante de mon activité scientifique des années 1990 à l’anthroponymie. Dans ce cadre, j’ai eu le souci constant d’arrimer l’anthroponymie romane, discipline qui restait dans une large mesure à fonder, à la lexicologie historique (romane). Un troisième axe de recherche se dégage d’un ensemble de travaux consacrés à des phénomènes particuliers (grammaticalisation, pragmaticalisation, déonomastique, délocutivité) que l’on peut regrouper sous la désignation générale d’étude des changements de catégories observables en linguistique diachronique. Ces orientations de recherche m’amènent à me définir comme une chercheuse bien ancrée en lexicologie historique, mais qui s’oppose au cloisonnement pour favoriser les passerelles entre des sous-disciplines linguistiques variées, qui ont le plus grand intérêt à se confronter.
Depuis le lancement, en 2008, du projet Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), mon activité de recherche centrale se situe dans le domaine de la grammaire comparée. Le DÉRom, qui fédère une cinquantaine de chercheurs (surtout européens) en étymologie romane, est en effet à l’origine d’un important débat paradigmatique en raison de son ancrage dans la reconstruction comparative, approche méthodologique auparavant écartée des études romanes en raison des riches témoignages du latin écrit à la disposition des chercheurs.
Mots-clés : français, galloroman, roman ; lexicologie historique, étymologie, anthroponymie historique, changements de catégories, grammaticalisation, pragmaticalisation, déonomastique, délocutivité ; grammaire comparée, reconstruction comparative.